L'article analyse la manière dont les récits LGBT en Argentine, principalement ceux produits par les organisations sociales hégémoniques et l'État, ont été présentés ces dernières années en termes de progrès à partir d'un passé de répression et de souffrance vers un présent de plein accès aux droits et à une vie digne. Cependant, ces représentations ne correspondent pas aux conditions de vie réelles de nombreuses personnes de sexes/genres non normatifs, ce qui est évident face à la possibilité imminente d'une régression des droits que connaît le pays, qui met en évidence la précarité de ce qui a été célébré comme un progrès. Il convient donc de se demander ce qui a rendu ces récits possibles et les a soutenus jusqu'à présent. L'article identifie un ensemble de mécanismes à cette fin : politiques (principalement le légalisme et l'étatisme dans la lecture politique des mouvements), historiographiques (en termes de périodisation et de jalons considérés dans ces récits) et épistémiques (l'injustice épistémique derrière leur création, alimentée par la capture des élites et la manque d’une compréhension intersectionnelle au sein du mouvement LGBT). Ainsi, l'hégémonie politique et l'hégémonie épistémique se combinent pour produire des représentations qui peuvent avoir des effets néfastes sur les personnes les plus vulnérables au sein de ces collectifs.